vendredi 8 mai 2009

Pour la première fois dans l'histoire du Brésil, la Chine est devenue, en avril 2009, son premier partenaire commercial, à la place des Etats-Unis. Elle était déjà devenue, un mois plus tôt, le premier importateur de biens brésiliens.

C'est une date historique pour les deux pays. Après trois siècles d'hégémonie portugaise, la Grande-Bretagne avait pris le relais au début du XIXe siècle, en profitant de l'ouverture des ports de l'Empire brésilien aux puissances maritimes étrangères. Depuis les années 1930, les Etats-Unis s'étaient solidement installés en première position. C'est maintenant au tour de l'Asie - Chine en tête - d'affirmer sa prépondérance dans les échanges avec le géant sud-américain.

Ce changement de situation tient d'abord à la contraction du commerce américain avec le reste du monde, liée à la crise économique. Un phénomène qui affecte aussi les pays de l'Union européenne dans leurs relations avec le Brésil.

Mais il traduit surtout une hausse forte et continue des achats de la Chine. Les exportations du Brésil vers la Chine ont, en valeur, été multipliées par quinze entre 2000 et 2008. Elles ont progressé de 75 % entre 2007 et 2008. Cette augmentation a permis au Brésil de dégager, pendant les quatre premiers mois de l'année 2009, un surplus commercial double de celui enregistré pendant la même période en 2008. Les trois premiers partenaires du Brésil sont désormais, dans l'ordre, la Chine, les Etats-Unis et l'Argentine.

Ces indicateurs, à première vue réjouissants, ne sont pourtant pas d'aussi bonnes nouvelles qu'on pourrait le penser. Le solde commercial positif du Brésil reflète aussi une baisse sensible des importations liée au manque de crédits dont souffrent les entreprises nationales, et qui les empêche d'investir, et donc de s'équiper à l'étranger autant qu'elles le souhaiteraient.

Surtout, l'évolution de la structure des exportations brésiliennes vers la Chine est insatisfaisante. Les produits de base et les matières premières, comme le soja ou le minerai de fer, devenus moins chers à la vente du fait de la dévaluation du real, la monnaie brésilienne, par rapport au dollar, progressent sensiblement alors que les biens manufacturés ou semi-manufacturés, pourvus d'une forte valeur ajoutée, déclinent. En même temps, la Chine vend de plus en plus de produits industriels au Brésil, notamment dans l'électronique.

Pour tenter d'inverser cette tendance, mais aussi tout simplement pour doper des échanges qui représentent seulement 1 % du commerce extérieur de la Chine, le président, Luiz Inacio Lula da Silva, s'y rendra à partir du 18 mai, en compagnie d'une cohorte de patrons.

"Il nous faut absolument diversifier nos exportations et leur donner de la valeur ajoutée", souligne le secrétaire brésilien au commerce extérieur, Welber Barral. Dans l'ensemble des échanges du Brésil, la part des produits manufacturés a baissé en un an de 29 % à 21 %, celle des produits de base a augmenté de 30 % à 40 %. Le Brésil espère pour 2010 une relance du commerce avec les Etats-Unis, qui sont traditionnellement son premier acheteur de produits manufacturés.

Hors Chine, les exportations du Brésil en Asie explosent. Elles ont doublé en avril vers Taïwan et la Corée du sud. Si, comme le prédisent les experts, la sortie de crise bénéficie en premier à l'Asie, le Brésil veut être au rendez-vous. A long terme, l'essor des échanges avec le continent représente la meilleure chance du Brésil de ne pas voir réduire sa part du marché mondial.

Selon une étude conduite par la Fondation Getulio Vargas et la firme Ernst & Young, et publiée le 5 mai, la croissance annuelle des exportations brésiliennes de biens manufacturés d'ici à 2030 (1,8 %) sera nettement inférieure à celle du commerce mondial (3,7 %). Le Brésil verrait ainsi sa part dans les exportations mondiales réduite de 1,1 % à 0,9 %.

Pour éviter ce déclin relatif, souligne l'étude, le Brésil doit améliorer sa compétitivité, handicapée par le coût de l'énergie, le retard des infrastructures, la fiscalité trop lourde et l'insuffisance des crédits alloués à la recherche et au développement.

Jean-Pierre Langellier

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